Anna et Sophie Eynard avec les Bouthillier de Beaumont

On ignore où ce daguerréotype a été pris, mais c’est probablement sur le domaine de Beaulieu, hypothèse qui reste à confirmer. Anna Eynard pose avec sa fille Sophie et l’un de ses neveux, Gabriel Charles Bouthillier de Beaumont, accompagné de son épouse Cécile, née Appia, qui tient leur petite Adèle sur ses genoux. L’image n’est pas datée, mais l’âge de l’enfant, née le 5 mars 1841, permet de la situer vers 1842. On ignore par contre si elle a été prise avant ou après le décès, à l’âge de deux ans, du quatrième enfant de Sophie et Charles Eynard, le 4 avril 1842. Anna Eynard, assise pratiquement de profil comme souvent, est imperturbable, voire absente. Un brin hiératique, elle ne prête aucune attention aux autres protagonistes, pour lesquels Eynard a élaboré une petite mise en scène. Cécile, très droite, tient la tête de sa fillette, qui paraît endormie. Toutes deux portent des habits clairs qui les mettent en évidence, même si elles sont légèrement surexposées. Penché par-dessus l’épaule de sa femme, Gabriel Bouthillier de Beaumont a délaissé le journal qu’il tenait à la main pour admirer son enfant sous le regard attentif de Sophie, assise à côté de lui. Le chapeau qu’il maintient tant bien que mal entre ses jambes apporte à cette image beaucoup de naturel et de spontanéité. Notons que seule Cécile semble avoir remarqué la présence de l’objectif, qu’elle fixe résolument. La qualité de l’image permet d’apprécier la richesse et la diversité des vêtements et accessoires, dont le fin bonnet de lingerie transparent et la ferronnière d’Anna, son col en dentelle au plastron plissé, le plissé bouillonné du haut de ses manches, la dentelle noire de son châle qui retombe sur sa jupe, le gilet à carreaux de Gabriel, le ruban de soie rayé qui ferme le col de Sophie, sa ferronnière et le ruban de dentelle qui orne son chignon, sans oublier son châle à motifs végétaux. Il est intéressant de relever que cette pièce d’étoffe apparaît sur plus de quinze daguerréotypes pris entre 1840 et 1848, porté tant par Sophie que par sa mère ou d’autres personnes. On voit également la léontine (chaînette de montre pour femmes) d’Anna qui se détache distinctement de son corsage et elle semble tenir un objet métallique dans chacune de ses mains. Détail touchant, une des petites pantoufles d’Adèle se détache nettement sur le fond clair de la robe de sa mère. Une bande foncée apparaît cependant tout à droite, sans doute en raison d’une coulure ou d’un problème d’oxydation, et le visage de Sophie est un peu trop sombre. (I. Roland)