Un sujet rare dans l’œuvre d’Eynard apparaît sur cette vue stéréoscopique que l'on peut dater entre 1852 et 1855 en raison de sa technique : une école avec des enfants en sarrau et le personnel qui l'occupent. Cet intérêt pour ce thème s'explique par la volonté de documenter l'école enfantine qu'Anna Eynard a fait construire à ses frais en 1839-1840 à Gilly, à proximité du domaine familial de Beaulieu.
Pour sa prise de vue, Eynard fait poser tous les enfants et le personnel de l'institution. Au rez-de-chaussée, sous la galerie, les petits semblent être sous sa surveillance. On l'identifie à son chapeau haut-de-forme, à la gauche du groupe. Curieusement, sa femme paraît absente de l'image, à moins qu'elle ne se trouve tout à droite, sur la galerie. Par la rareté du sujet, cette stéréoscopie constitue un précieux témoignage pour l'histoire de l'école vaudoise, tout en documentant un édifice aujourd'hui disparu. Ce dernier est pris en biais afin d’obtenir un effet de perspective. Le cadrage est un peu malhabile, le bâtiment étant légèrement coupé à gauche et la galerie penchant vers la droite. L'image est inversée, comme en témoigne le verset biblique qui figure à l'envers sur un panneau fixé au garde-corps de la galerie : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute tes pensées, et ton prochain comme toi-même ». Cette inscription religieuse rappelle que, dans la seconde partie de leur vie, Jean-Gabriel et Anna Eynard, devenus profondément croyants, se sont consacrés activement à diverses œuvres caritatives et philanthropiques. (I. Roland)