Cécile et Gabriel Bouthillier de Beaumont-Appia à Beaulieu

Ce daguerréotype vaut moins par sa qualité technique, médiocre, que par sa valeur de témoignage des débuts de la photographie en Suisse et dans la région lémanique. En effet, si l’on en croit l’inscription, l’auteur en serait Louis Bonijol, le lieu de la prise de vue Beaulieu et le couple qui s’est fait représenter, les de Beaumont-Appia. Elle indique aussi deux dates, l’automne 1841, une mention qui a été corrigée après coup en « plutôt l’été 1840 ». Le conditionnement noir avec sa fenêtre ovale a donc dû être refait plus tard.

Il est tentant d’attribuer à l’inexpérience de Bonijol les imperfections de cette prise de vue et de privilégier l’année la plus ancienne, mais l’argument est faible. On aurait là la première photographie conservée qui peut être mise en rapport avec Eynard, une des premières, sinon la première photographie suisse qui soit parvenue jusqu’à nous. Malheureusement en raison de l’état de la plaque, le fait est invérifiable. Il s’agit par ailleurs de la première mention connue de Bonijol comme photographe, quelle que soit l’année considérée. Notons que la « Collection industrielle de Lausanne » conservait en 1862 « un des premiers daguerréotypes faits en Suisse par Bonnijol » (Gazette de Lausanne, 2 janvier 1862, p. 3).

Quoi qu’il en soit, la pièce prouve qu’Eynard a accueilli dans sa propriété de Beaulieu le prometteur fabricant genevois d’appareils scientifiques au moment où l’un et l’autre se lançaient dans la production de chambres daguerriennes et dans une carrière de photographe. On sait qu’à ses débuts, Eynard a cherché à entretenir des relations avec d’autres daguerréotypistes et qu’il s’est toujours montré attentif aux évolutions des moyens de prises de vue et à leur amélioration. Les compétences techniques de Bonijol ont sans doute suscité son intérêt. Il n’est pas attesté que les deux hommes aient conservé des liens par la suite. (N. Schaetti)