Ce daguerréotype n'est pas daté, mais le passe-partout en fin carton clair laisse supposer qu'il est antérieur à 1846. Parmi la soixantaine de doubles portraits réalisés par Eynard, seul celui-ci représente deux de ses employées, en l’occurrence Lisette Gilliard, une cuisinière, et Susette Cuenoud, une fermière, comme l’indique une inscription postérieure apposée au verso. Coiffées d’un bonnet de lingerie et vêtues de robes couvertes de petits motifs qui contrastent avec les fines rayures du long tablier clair enserrant leur taille, elles posent devant la claire-voie d’une dépendance du domaine de Beaulieu, probablement l’écurie-remise comportant un pigeonnier. De Lisette, assise à gauche le regard au loin et les bras fermement croisés, se dégage une impression de force et de tranquillité. Ses sabots dépassent sous l’ourlet de sa robe foncée. Debout à ses côtés, Suzette paraît perdue dans ses pensées. Le bras posé sur l'épaule de sa compagne, elle crée un élan vertical renforcé par les lames de la claire-voie à l'arrière-plan. Aucune des deux femmes ne regarde l'objectif, ce qui donne un caractère plus naturel et intimiste à la scène. Comme toujours chez Eynard, l'ensemble est parfaitement maîtrisé et rien n’est laissé au hasard, tant au niveau de la composition que des jeux de lumière. Par exemple, la bordure de la claire-voie passe exactement entre le visage de Lisette et le coude de Suzette. La lumière inonde le visage de la première, tandis que celui de la seconde est partiellement dans l’ombre. Les plis des tabliers sont particulièrement mis en valeur par l'éclairage naturel et les motifs des tissus renforcent le contraste entre les teintes claires et foncées. Notons également la netteté de certains détails, dont l’ondulation des cheveux de Lisette, son col en dentelle, la bordure des deux coiffes ou la frise chantournée qui somme la table placée à droite de l'image. Cette frise élaborée apporte une touche d’élégance au cadre quelque peu rustique dans lequel s'inscrivent les deux femmes.
Cette image a été publiée dans un ouvrage consacré aux plus beaux daguerréotypes du musée J. Paul Getty à Los Angeles, qui y voit une évocation des figures drapées des peintures néoclassiques de la fin du 18e siècle (The Silver Canvas 1998, p. 148-149). (I. Roland)
en fonction de l'identification supposée du poinçon et de la présence d'un passe-partout de couleur claire
Inscription posthume : Oui