C’est la magnifique tenue d’intérieur d’Eynard qui attire ici toute l’attention. Du même style que la calotte en feutre, la longue robe de chambre en damassé qu’un épais cordon permet de tenir fermée s’inspire des caftans orientaux. Eynard joue avec virtuosité sur les différents motifs des tissus, les uns rehaussant les autres.
Les teintes chaudes qui se dégagent de cette plaque peuvent être liées à différents facteurs. Les substances accélératrices, qui réduisent les temps de pose et modifient les tonalités monochromatiques de la plaque daguerrienne (Paris et le daguerréotype français 2003, p. 263), peuvent, suivant la substance, donner des teintes jaune or ou jaune orangé. Il se peut aussi que le virage au chlorure d’or, qui stabilise l’image et renforce les contrastes, jaunisse la plaque en déposant une fine couche d’or à sa surface (Lerebours Secrétan, Traité de photographie, 5e édition, Paris 1846, chapitre XI, p. 46-50). L’oxydation de l’argent, due à la pénétration de l’air à l’intérieur de l’écrin, engendre un fin voile jaune qui pourrait expliquer les tons chauds de ce daguerréotype. D’importantes ternissures brunes et noires sont nettement visibles sur les bords (Anne Cartier-Bresson, « La conservation des daguerréotypes : examen de quelques problèmes et de leurs solutions historique », dans : Paris et le daguerréotype, Paris 1989, p. 61). Que ces tonalités soient intentionnelles ou fortuites, d’origine ou dues à une détérioration du support, cet autoportrait d’Eynard compte parmi ses plus belles plaques par sa composition, ses teintes chaudes à dominante dorée et la magnificence de la robe d’intérieur.
Ce portrait a été considéré comme emblématique de la production de Jean-Gabriel Eynard et reproduit dès le 19e siècle à plusieurs reprises, notamment sous forme de carte de visite par le photographe Philippe Plan. (U. Baume-Cousam)