Ce daguerréotype non daté a été pris devant la façade latérale sud-ouest de la maison de maître de Beaulieu, reconnaissable à ses colonnes recouvertes de plantes grimpantes. Les passe-partout plats en fin carton clair, utilisés par Eynard avant 1847-1848, suggèrent une datation précoce. Le couple Eynard pose devant une toile peinte qui représente probablement le lac Léman et le Grammont. Cette toile apparaît sur une vingtaine de daguerréotypes qui sont pratiquement tous antérieurs à 1850 et celui-ci la met particulièrement bien en valeur. Le traité de photographie de Lerebours, publié en 1843, recommande, pour les portraits, de placer une toile de fond représentant un paysage ou un intérieur exécuté dans des tons doux (Lerebours 1843, p. 77). À droite du couple, un neveu d'Anna Eynard, le peintre Gabriel Charles Bouthillier de Beaumont, est assis légèrement en retrait. Sa présence un peu insolite en marge de ce portrait de couple très intimiste pourrait s’expliquer s’il est l’auteur de la toile peinte. Une aquarelle conservée dans un album de famille semble être de la même main que cette toile de fond, mais elle n’est pas signée.
Ce daguerréotype d’une grande qualité est parfaitement composé : au centre, le couple Eynard s’inscrit entre les deux colonnes végétalisées qui scandent l’image et lui assurent un élan vertical. La toile de fond est savamment positionnée de sorte que les frondaisons de l’arbre peint placé derrière Gabriel de Beaumont se confondent avec les feuilles réelles des plantes grimpantes. La maîtrise de la lumière fait ressortir avec une grande netteté les habits chatoyants du couple Eynard, notamment la texture de la robe de jour d’Anna, agrémentée d’une petite cape. Jean-Gabriel, visiblement heureux, est en pantoufles et robe de chambre, clin d’œil non dépourvu d’humour aux portraits de philosophes des siècles précédents. Différents modèles de robes de chambre apparaissent sur une dizaine de daguerréotypes et celui-ci, à rayures verticales claires et foncées, se retrouve sur une autre plaque (84.XT.255.44). Parmi les portraits du couple, il est le seul où les partenaires sont si proches et où Eynard regarde avec autant d’affection son épouse, un bras tendrement passé autour de son épaule. Elle le regarde avec un sourire qui tranche avec son air d’ordinaire imperturbable. Visiblement, tous deux s’amusent en posant dans une attitude moins conventionnelle. À leurs côtés tel un chaperon, Gabriel de Beaumont, en gilet et redingote, semble lever les yeux au ciel devant les facéties de son oncle et de sa tante. (I. Roland)
Inscription posthume : Oui
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