Jésus Moreno, photographe des arts de la scène
1982 marque une étape importante pour l’histoire du théâtre genevois. C’est à cette date que Benno Besson (1922-2006) prend la direction du théâtre de la Comédie au boulevard des Philosophes qu’il dirige jusqu’en 1989. Celui qui a été l’assistant de Bertolt Brecht au Berliner Ensemble de 1848 à 1856 puis qui a dirigé le célèbre théâtre de la Volksbühne à Berlin-Est entre 1969 et 1977 donne à son arrivée à Genève un nouvel élan à la Comédie. Genève devient un lieu important de la scène théâtrale francophone et acquiert avec Besson un statut d’excellence.
En cette année 2022, nous saisissons l’occasion du centième anniversaire de la naissance de Benno Besson pour nous pencher sur les traces photographiques de son travail saisies par le photographe Jésus Moreno, dont la BGE a acquis le fonds d’atelier en 2019. Jésus Moreno s’est spécialisé dans la photographie des arts de la scène et a travaillé pour la Comédie de Genève de 1983 à 1989.
Les images de Jésus Moreno qui sont présentées ici ont accompagné les textes de l’écrivaine Anne Cunéo dans l’ouvrage qu’ils ont cosigné « Benno Besson et Hamlet ». Entre 1983 et 1986, Besson a réalisé trois mises en scène de la pièce de Shakespeare à Genève, Zurich et Helsinki. Pour chacune d’elles, Anne Cuneo assiste aux répétitions et rend compte du travail du metteur en scène. Elle observe son travail avec les acteurs et témoigne de l’originalité de sa démarche qui révolutionne l’espace scénique.
Les images de Jésus Moreno explorent les productions d’Hamlet à Genève et à Helsinki, qu’elles documentent à la manière d’un roman-photo. Moreno s’intéresse à tout le processus de création. Il saisit le travail des décorateurs, capte le portrait du scénographe Jean-Marc Stehlé dans l’intimité son atelier. Il observe le jeu des interprètes et nous fait découvrir les coulisses. Dans une organisation qui suit les cinq actes de la pièce de Shakespeare, les photographies noir-blanc jouent avec les effets de lumière, avec des plans larges ou au contraire serrés sur les acteurs pour en souligner l’expression, avec leurs clairs-obscurs et leurs flous, restituant la dynamique et l’intensité du jeu avec beaucoup de sensibilité. Des prises de vue en contre-plongée accentuent le côté dramatique d’une scène comme l’apparition du spectre qui jaillit de l’obscurité et laisse un Horatio terrifié. Les masques portés par les acteurs sont réalisés par le créateur Werner Strub, auquel la Fondation Bodmer a consacré une exposition en 2020-21. Ces accessoires qui évoquent l’héritage de Brecht ont pour fonction d’installer une distanciation entre les acteurs et le public. Ils contribuent à créer une atmosphère dramatique et fantomatique que les images de Moreno rendent parfaitement.
