1. Portraits

1.1. Autoportraits

Eynard s’est fait représenter sur la quasi-totalité de ses daguerréotypes et d’une certaine manière, toute son œuvre pourrait être considérée comme une suite d’autoportraits. Il soigne sa position dans l’économie de l’image en créant une relation spécifique avec les autres figures représentées et en prenant des attitudes originales. Afin de pouvoir prendre place au sein des groupes qu’il désire photographier, il a formé à la prise de vue l’un de ses employés, Jean Rion.
Il faut cependant distinguer de la notion générique de représentation de soi, les autoportraits au sens classique du terme, c’est-à-dire les portraits individuels le représentant seul ou, dans quelques rares cas, avec un personnage secondaire avec lequel il n’entretient aucune relation particulière au sein de l’image. Le fait que plusieurs de ces autoportraits ont été faits en utilisant une demi-plaque, soit un grand format, atteste l’importance qu’Eynard leur accordait. On notera toutefois qu’une partie de ce qui était naguère considéré comme des autoportraits ne lui est plus attribuée. En effet, il s’agit très probablement d’œuvres de commande à des ateliers professionnels (voir 6. Œuvres hors catalogue en relation avec Jean-Gabriel Eynard).
Le premier type d’images, l’autoportrait individuel, a pour but premier de conserver et de transmettre la mémoire de ses traits. C’est la fonction qu’il assignait, avant l’invention de la photographie, aux portraits qu’il commandait régulièrement à des artistes, peintres ou sculpteurs. Les daguerréotypes qui le figurent le montrent dans diverses attitudes (réflexion, lecture, dans sa berline, etc.). Il se désigne aussi à quelques reprises comme auteur de photographies, en posant avec un daguerréotype à ses côtés (84.XT.255.38 ; 84.XT.255.42), mais jamais avec un appareil photographique. Dans tous les cas, il est attentif à l’image qu’il va donner de lui-même car il sait que ses autoportraits vont circuler parmi ses proches et dans les cercles qu’il fréquente. Il revêt le plus souvent une robe de chambre, un vêtement d’intérieur luxueux qui marque son statut social et son appartenance à une élite intellectuelle. Porté dans son cabinet de travail, il désigne l’homme de lettres, l’érudit (voir le chapitre consacré à la mode). On se rappellera que Jean-Gabriel Eynard est l’un des cofondateurs de la Société de lecture à Genève en 1818. Tous les attributs qui l’entourent ramènent à cette qualité. Sur la plaque DE 025, on le voit debout tenant à la main un exemplaire du Journal de Genève. Sur celle cotée DE 026, il est assis, une lettre à la main, accoudé à un pupitre sur lequel un livre est posé. Ces plaques toutes deux très abouties présentent des tonalités diamétralement opposées. Un virage à l’or confère à la plaque DE 025 une tonalité chaude, chatoyante, que soutient la large dorure du passe-partout bordée d’un filet en accolade.
Eynard a produit, en particulier à la fin de sa carrière de photographe, à partir de 1850, un second type de représentations de soi que l’on pourrait qualifier de « portraits en maître de maison ». Ces photographies le montrent dans un décor ou un paysage familier, dans l’une ou l’autre de ses propriétés. Il est soit devant la maison, soit, plus fréquemment, dans le parc. Les portraits qui le montrent en couple ou avec un groupe n’ont pas été intégrés à cette catégorie. La plupart des images de ce type ont été prises à Beaulieu, quelques-unes à Genève, au palais Eynard. Le rattachement de ce type d’images à la catégorie « autoportrait » plutôt qu’à celle des représentations d’architecture ou de paysage peut paraître arbitraire. Mais il s’agit bien d’une forme d’autoportraits dans la mesure où ces photographies le situent au centre du monde qui est le sien, mettant en évidence sa relation à son environnement.

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